Ordalie Sentimentale  Mais l'amour est aveugle, et les amants ne peuvent voir Les plaisantes folies qu'ils commettent eux-mêmes (en cours)

Ordalie Sentimentale
<< Aimer, c'est savoir dire je t'aime sans parle >>

♪ Journey to the past

Il était une fois une petite chatte qui vu le jour au sein du Clan du Vent. Elle était tout ce qui était de plus normale, une rêveuse née qui n'avait pas fini de tous nous étonner. Elle aimait le monde et souhaitait plus que tout pouvoir avoir un rôle important dans cette histoire, aussi palpitante soit-elle. Remplie de charme, elle avait une vie paisible et sans trop de trouble. Enfin, j'ai bien dit elle avait... Son nom ? Petite Ordalie, la future Guerrière la plus unique et la plus étrange que vous aurez connu de toute votre vie. Son récit débute par une soirée hivernale et froide... N'ayez crainte, elle sera épargnée de cette troublante tempête. Du moins, elle seule...

Lorsque nous sommes entre la vie et la mort, nous nous rendons plus facilement compte de toutes ces choses que nous aurions dû faire, de toutes ces personnes qui nous tiennent tellement à coeur et qu'on ne tiens pas à quitter. Dans ces instants, plus rien ne compte, sauf peut-être notre survie. Du moins, c'est ce qu'ils pensent, ces égoïstes qui ne comprennent rien à la vie. Je ne suis pas comme ça, non. Je ne me considère pas plus importante que mon prochain, loin de là, et je ferai tout pour ceux que j'aime. J'y ai déjà réfléchi, et mourir à la place de quelqu'un d'autre me semble la plus belle mort qui soit... Tout ce courage qu'il nous aura fallut, tout cette amour qui nous submergerai et ces pleurs qui nous transpercerai à petit feu le coeur... Rien qu'à y penser, j'ai des frissons dans tout le corps.
Dans un soupir, je me retournais de gauche à droite et de droite à gauche, cherchant une position confortable pour dormir. Mais en vain, rien ne semblait fonctionner. Je me leva d'un bond, sortant de ma tannière. Il faisait encore nuit, la pleine lune scintillant haut dans le ciel. Tout était magnifique, comme toujours. Je leva plus amplement la tête vers le firmament. Un flocon de neige tomba sur mon museau, puis un deuxième et encore un troisième... La saison des feuilles mortes était bel et bien terminée. Désormais, le Clan devrait faire face à un manque évident de gibier et au froid, à la glace, à la neige, tout simplement. Observant ces cristals volants se poser délicatement sur le sol et sentant le vent gelé souffler dans mon pelage immaculé, j'eus soudainement cette impression que je m'effondrais de nouveau dans mes rêves les plus biscornus, les plus secrets de ma mémoire qu'elle seule semblait d'ailleurs connaître... Pourtant, j'étais toujours debout, totalement figé. Que m'arrivait-il ? Je n'en avais aucune idée. J'étais consciente de ce qui m'entourait. Je sentais l'aura qu'il y avait ici, les félins qui me précédaient. Mais je ne voyais plus rien. Je me cru un moment perdue, aveugle. Mais une seconde à peine passa que, déjà, je me retrouvais dans un endroit étrangement familier, aux odeurs de bois de sapins et d'épinettes veloutées...

De la neige, encore de la neige. Des souvenirs qui refusaient de disparaître, ma mémoire qui refaisait surface malgré moi. Je plongea mon regard dans le vide, dans l'abîme. Je marcha, seule, dans ce spectacle qui m'éblouissait sans cesse. Le vent soufflait de plus en plus fort; la tempête était imminente. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais ce soudain sentiment de déjà vu. Cet endroit, ces couleurs, ces odeurs si réalistes... Je les connaissais, toutes. Au loin, mon coeur fit un bond dans ma poitrine. Ce visage ne m'était pas inconnu, j'en était certaine. Et son parfum non plus. Celui-ci ne faisait parti d'aucun Clan. Un Solitaire ? Peut-être... Pourtant, son odeur semblait légèrement différente, inexpliquable. Il avait le physique parfait du chat sauvage et robuste, certes, mais il avait un je-ne-sais-quoi de mystérieux, d'intriguant. De plus en plus curieuse et décidée, j'intensifiais le pas, ma cadence de plus en plus nerveuse, agitée, suivant les traces d'un être perdu. Mais qui était-ce ? Plus je me rapprochais, plus il semblait me fuir. Pourquoi était-il aussi pressé ? J'ouvris la bouche, ma curiosité dépassant largement mon bon sens :

« Hey, vous ! »

Il ne se retourna même pas, sourd et totalement muet, à moins qu'il ne désire point perdre du temps avec un autre chat. Si c'était le cas, je n'avais jamais vu un félin aussi orgueilleux et fier, s'en était troublant. Qu'est-ce qu'il... ? Ne m'entendait-il pas ? Ne me voyait-il pas ? Non, c'était impossible, tout simplement impossible. Je courais de toutes mes forces pour le rejoindre. Je savais qui il était, j'avais son identité sur le bout de la langue. Il fallait que je sache ! Que je me rappelle de ce détail si essentiel à mes yeux.

« Arrêtez ! Je vous connais, j'en suis certaine ! »

Silence. J'abandonnais. Dans un soupir, je releva subitement la tête. Il ne fallait pas que je lâche prise aussi facilement. Je découvrirais forcément bientôt ce qu'il semblait tant chercher, tant vouloir rejoindre. C'est alors que je me vis. Oui, moi, petite boule blanche collée contre le douillet flanc d'une chatte de la même couleur, mis à part au niveau de la tête. Il y avait d'autres chatons à mes côtés qui tétaient le sein de la femelle désormais affaiblie. Je souris, contemplant la scène. Je savais au fond de moi quelle serait la suite des choses, mais je ne pouvais être qu'attendris par ces images que j'avais cru si longtemps oubliées. C'était sans doute ma mère; la ressemblance était beaucoup trop frappante pour que ce ne soit pas le cas. C'était la chatte la plus belle que j'eus vu de toute ma vie. Je ne l'avais jamais connue, non, et voilà qu'aujourd'hui, j'avais le privilège de la voir de mes propres yeux. Était-ce un rêve ? Sans doute...
Le mâle pris alors la parole, dans un souffle presque imperceptible, mais à la fois surpris et émotionnel, me faisant sortir aussi rapidement de mes réflexions que j'y fus entrée.

« Harmonie des Anges... »

La chatte qui était en train de lécher avec tendresse mon corps frêle de chaton leva brusquement la tête dans un sursaut, surprise. Elle était peut-être bonne Guerrière, mais, pour une fois, elle était si submergée dans ce qu'elle faisait qu'elle n'avait pas sentie l'approche de "l'intrus". Elle se détendit un peu, connaissant apparament l'être qui la précédait.

« Qu'est-ce que... ? Morphée ! Je... je croyais ne plus jamais te revoir ! »

Elle voulut se lever pour aller le serrer contre lui, sentir son corps, entendre encore plus près le son de sa voix... mais elle en était incapable, la douleur de la grossesse étant encore trop présente.

« Mais où étais-tu passé ? Je t'ai cherché pendant plusieurs lunes sans jamais te trouver ! »

Le dit Morphée baissa les yeux, une masse d'émotion semblant l'étreindre soudainement. Las, il s'approcha d'elle lentement, retennant fermement ses larmes. Il se laissa tomber et se coucha près d'Harmonie, fixant longuement le sol, moi-même et mes frères et soeurs, fuyant le regard de la Reine, cherchant les mots justes. Ce soudain accouchement faisait naître en lui une foule de questions, mais il n'aborda pas immédiatement le sujet. Au contraire, il avait beaucoup trop de choses à dire pour le moment. À lui dire, à elle en particulier... Sa voix était tremblotante, sans pourtant être hésitante. Il avait de la misère à s'exprimer, sa mémoire refoulant en lui des souvenirs aussi joyeux que tristes.


« J'ai voulu te quitter, oui, mais seulement pour te protéger... Ces lunes où je fus parti fut les plus difficiles que je dû affronté. J'en suis donc venu à une conclusion que je connaissais depuis le tout début : il m'était tout simplement impossible de vivre sans toi. Ma vie semblait n'aller nul part; tu es la seule raison pour laquelle je suis encore vivant aujourd'hui. Te perdre est pour moi quelque chose d'impensable, d'inimaginable... »

« Morphée, je... »

« Chut... Écoute, je t'aime, et c'est tout ce qui compte. »


Elle se laissa prendre au jeu et ils s'enlacèrent un long moment, les yeux dans les yeux, les coeurs battant à tout rompre. Harmonie des Anges savait qu'elle ne pourrait pas balayer du revers de la main toutes ces choses qui s'étaient passées durant son absence, mais elle n'avait jamais totalement su lui résister. Cœur d'Acajou lui en voudrait surement. Pas à elle, mais à Morphée. De lui "voler" ainsi sa dulcinée; il avait toujours eu un caractère fort, honnête et jaloux. Mais cela ne déplaisait guère à la chatte qui avait non seulement découvert en lui un ami, mais bien plus que ça.



« Morphée, je suis consciente que tu ne veuilles pas abordé le sujet, mais il faudra bien le faire un jour ou l'autre... »


Cette fois, il ne lui coupa pas la parole. Il savait déjà quelles seraient ses mots, mais il devrait les affronter et vivre avec une nouvelle déception, si destructrice malgré sa prévisibilitée.


« Tu m'as laissé. Certes pour me protéger, mais tu l'as tout de même fait. J'ai été longtemps déprimé; je restais seule dans le camp, enfermée dans la tannière des Guerriers, le regard dans le vide, ne pouvant pas croire que tu étais réellement parti. J'avais beau essayé d'oublier, de ne pas y penser, de faire comme si tu n'avais jamais existé, j'en ai conclus que j'en étais tout simplement incapable. Jusqu'à ce que je le rencontre. Lui. Il était là, me rendait à nouveau le sourire et était tout simplement... différent. Ces chatons, même si tu as voulu éviter d'en parler, sont nos rejetons. Même si je le voulais, je ne pourrais plus revenir en arrière. Désormais, nous formons une famille solide et unie. »

« Je suis conscient que je ne peux empêcher un coeur d'aimer. Et si tu l'as choisi, je ne peux rien y faire. Même si mon coeur en subit les conséquences, même s'il est déchiré, démolit. Pendant toutes ces lunes, j'ai essayé de vivre sans toi, mais cela ne m'évoquait rien. Un monde sans ton existence, sans ton visage, sans ta voix, sans ta personnalité et ton sourire est comme un monde déchu, noir, apocalyptique. Un monde sans ta présence est comme une nuit sans lune et sans étoiles : il manque des éléments crucials pour que le firmament soit réellement parfait. Harmonie, je ne souhaite que ton bonheur. Le mien n'est plus important si le tien est éteint. Il m'est difficile de regarder tes enfants sans le voir, lui , mais si je dois rester encore auprès de toi, je ferai tout pour prendre soin de toi et, surtout, d'eux. Même si je ne suis pas le père. Même si je ne suis désormais plus rien pour toi... »

« Morphée, je ne veux pas que tu t'éclipses de ma vie, loin de là. Le mot "amitié" n'est pas là pour faire joli. Au contraire, il est la solution à notre désarroi. Je t'aime, et tu le sais. Et même si tu ne l'as pas fait directement, ne me demande pas de choisir. Car ce sera toujours lui. Pour mes chatons, tu n'es pas leur père, certes, mais tu n'es pas rien pour autant, bien au contraire. Tu es beaucoup, une partie importante, chère et rare de ma vie. Sans toi, je ne sais pas ce que je ferai. Mais, cependant, Cœur d'Acajou est, que tu le veuilles, le Co*çoives ou non, mon âme sœur. »


Ces derniers mots auraient sans doute dû le transpercer, mais Morphée était bien plus compréhenssif et intelligent que la plupart des félins de cette génération, et il comprit rapidement que sa cause, malgré ses efforts acharnés et éternels, étaient désormais réellement perdue et vaine. Dans un soupir profondément intérieur, il fixa longuement la chatte au physique divin, comme si elle était devenue une étrangère à ses yeux. Du moins, c'est ce qu'on aurait pu croire. En fait, il ne la fixait pas de cette façon là, non. Une pointe de déception emplissait son coeur suivit d'une touche de rancune envers Cœur d'Acajou. Mais il n'en voudrait jamais, ô grand jamais, à sa bien aimée. Ce n'était pas sa faute, bien au contraire. Elle n'avait suivit que son instinct et, plus important encore, ses sentiments, son coeur. Dans le fond, tout était de sa faute. Il l'avait quitté, la laissant vivre seule sa vie dans ce monde dangereux et fou. Sans lui, elle avait dû retrouver vie et couleurs en se réfugiant dans les pattes de son meilleur ami, Cœur d'Acajou. Dit ainsi, on pourraît croire qu'il n'était en fait qu'un bouche-trou parmis tant d'autres. Et pourtant, Harmonie des Anges était maintenant prête à tout sacrifier pour lui, même son tout premier véritable amour. Mais Morphée ne s'interposerai pas, ne s'en mêlerai pas. Il avait déjà fait assez de dégâts comme ça. Il n'était pas parfait, loin de là, et c'était bien aujourd'hui qu'il s'en rendait réellement compte. Personne ne l'était.
Dans un dernier regard emplit de tendresse et de regrets, Morphée fit définitivement ses adieux à la chatte.


« Tu étais tout pour moi. Absolument tout. Le mot "amitié" existe peut-être, mais le mot "abandon" le précède largement. Sans toi, la vie ne vaut pas la peine d'être vécu. Mais avec toi, elle serait encore plus dur. Je ne dis pas que tu es pour moi un fardeau, bien sûr que non. Mais il me serait follement insupportable et très difficile de devoir endurer chaque jours de te voir en aimer un autre. C'est pour cette raison qu'il m'est sans doute plus utile de partir à nouveau. Et cette fois, à tout jamais. J'ai dit qu'il m'était impossible de vivre sans toi. Si je n'y arrive pas après un deuxième essai, je n'aurais qu'à mettre un terme à ma vie. Pas à cause de toi; ne pense pas que je le ferai par culpabilité, mais par principes, par amour... »

« Non, ne fait pas ça, je t'en supplis... Tu es encore jeune, tu as encore une longue et belle vie à passer; ne la laisse pas filer entre tes pattes pour des mots. Je suis certaine qu'une autre femelle fera ton bonheur; ne lâche pas prise si rapidement, n'abandonne pas aussi facilement. »


Des larmes coulèrent à flots doux sur ses joues. L'imaginer mourir ainsi était tout simplement inconcevable. Elle ne supporterait pas de vivre encore une seconde sur Terre en sachant que, peut-être, son ami le plus cher après Cœur d'Acajou quitterait ce monde pour elle.


« Je n'ai pas le choix... »

« On a toujours le choix ! »


Morphée baissa les yeux. Il avait un poids lourd dans la poitrine qui ne semblait pas vouloir partir de sitôt et qui lui faisait presque mal. Il prit une grande inspiration et releva la tête, le regard affligé...


« Je... je suis désolé, Harmonie... Adieu. »


Il était sur le point de partir pour de bon lorsque...


« Attend ! Si tu dois ne plus jamais me revoir, emmène avec toi un de mes chatons. Pour avoir un souvenir de moi. Pour ne pas m'oublier. Pour être heureux. Et avoir une raison de vivre. Occupe-toi de lui comme si c'était ton propre enfant. Et vis ta vie comme bon te semblera avec lui. Je suis certaine que tu serais un excellent père. »

« Harmonie, je... je ne sais pas quoi dire. Je ne peux pas faire ça. Te faire ça. C'est impensable! Et que dira Coeur d'Acajou! »

« Alors dis-toi que c'est un cadeau que je te fais. Et tu sais qu'on ne refuse jamais un cadeau, sous quelconque forme soit-il. Prend la petite femelle noire, je sens pour une raison que je ne comprend moi-même pas qu'elle aura sa place à tes côtés, qu'elle saura te redonner goût à la vie. Prend soin d'elle, donne lui un nom digne de ses racines et instruit là comme il se doit. Et pour Coeur d'Acajou... Il n'est pas obligé de tout savoir. »

« Je ne sais pas quoi dire... Tu es si imprévisible; c'est ce que j'aime tant chez toi. Merci. »


Et il partit pour de bon, tennant dans sa gueule la chatonne qu'il lui était confié d'éduquer. Même si Harmonie des Anges n'avait pas toujours fait de bons choix, elle avait cette étrange certitude qu'elle venait de faire la meilleure chose qui soit pour Morphée et sa fille. La reverrait-elle un jour ? Elle n'en savait rien. Mais ce qui était certain, c'est que son intuition lui répétait sans cesse que, ensemble, ils allaient être heureux et complice. Et que Morphée n'aurait pas à se suicider pour elle, car il devrait rester en vie pour protéger et s'occuper de son enfant adoptif. Elle ignorait pourquoi, mais elle venait de lui donner le chaton qui lui ressemblait le moins dans sa portée, sans doute espérait-elle qu'il voit cela comme un cadeau, et non comme une chaîne faite pour le raccrocher à la vie, coûte que coûte de part sa ressemblance avec elle...

Pour une fois, Harmonie n'esseya pas de le retenir, de toute façon, même si elle avait voulu le faire, sa récente grossesse l'en aurait empêché , sa douleur était encore trop grande. D'ailleurs, plus aucun mot ne pu sortir de sa bouche après cela, leur conversation ayant prit tout son souffle malgré elle. La chatte blanche le regardait, le coeur serré et peiné malgré ce qu'elle vennait de lui offrir, quitter la forêt du Cerf-Blanc vers de nouveaux horizons que lui seul connaissait. Il ne se retourna pas, ne lui lança pas un dernier regard, un dernier sourire comme il savait si bien le faire. Désormais, l'image de ce Solitaire unique ne serait plus qu'un véritable douloureux souvenir dans les méandres de la mémoire d'Harmonie des Anges qui la hanterait jour et nuit. Elle reposa son regard sur ses chatons, ses émotions plus contradictoires les uns des autres se bousculant dans tout son être. Elle continua de laver ces petites boules de poils qui n'étaient désormais plus que trois et de prendre soin d'eux cependant que son coeur commençait à battre de moins en moins vite. Le Clan des Étoiles souhaitait-il vraiment prendre son âme après une telle rupture ? La mort dissiperait peut-être son chagrin et son incompréhenssibilité, mais elle devait ramener ses chatons au camp avant que sa destinée s'accomplisse enfin.

Dans un faible sourire, minuscule et rempli de sous-entendu, les yeux entrouverts, elle en profita pour les nommer tandis qu'elle ne pouvait pas bouger et que les idées lui venait par paquet. Ils méritaient d'avoir des noms digne de leur importance, digne de Cœur d'Acajou. Et même de Morphée. Elle les regarda à tour de rôle, une joie intense s'éprennant d'elle comme si tout ce qui vennait de se produire n'avait jamais eu lieu, comme si elle prononçait ces mots d'une façon magique, tout simplement unique.


« Petit Cacao, Petite Perle et ... Petite Ordalie, je pense que ce nom t'ira bien. D'une part, il représentera les nombreux défis que tu devra subir pour être aussi divine que moi, d'autre part, tu rendra hommage à Morphée pour avoir affronté l'ordalie de mon coeur... »


Sur ces derniers mots - les plus magnifiques du monde d'après elle - elle s'endormit paisiblement, le reflet du clair de lune, délicatement caché par les nuages brumeux, faisant briller son poil givré d'une beauté neigeuse et... lumineuse.

Je sentis alors un vent puissant me pousser dans le néant, comme une tornade qui semblait vouloir m'amener vers un monde sans doute meilleur. Je me sentis soulever, voler dans les airs, tourbillonnant dans tous les sens tel une feuille morte tombant d'un arbre, ces images si récemment gravées dans mon esprit s'effaçait peu à peu., comme si tout cela n'était qu'un simple rêve. Je criai de toutes mes forces; il était tout simplement impossible que cette vision de mon passé se termine ainsi. Il fallait que je sache qui était vraiment, Morphée, et ce qu'il allait advenir de ma soeur toujours inconnue qu'il avait prit malgré lui sous son aile. J'étais consciente que je le connaissais; ça, j'en étais certaine. Mais pourquoi ma mémoire refusait-elle de me dire qui se cachait derrière ces airs d'anarchiste au coeur brisé ? Dans un soupir, le temps filait aussi rapidement qu'auparavant et je ne remarqua même pas que toute trace de mon songe passé n'était plus et que, désormais, mes yeux s'ouvraient peu à peu vers un tout autre monde, parallèle. Différent ? Seul le Clan des Étoiles pourraît me le dire réellement...

Je me réveilla de ma « transe » au même moment, visiblement étourdie. Perdu une fois de plus dans mes réflexions, je ne savais plus quoi croire, quoi penser. Ces soudains flash back étaient-ils de simples songes insignifiants ou, au contraire, des fragments de mon passé qui essayaient d'une façon ou d'une autre de se révéler à moi en image ? J'eu beau chercher des explications logiques, mon esprit semblait ne plus savoir où donner de la tête. J'avais eu l'impression que des heures et des heures étaient passés après avoir vu ce récit de ma vie défiler devant mes yeux. Et pourtant, lorsque j'étais revenue à moi, j'étais encore allongé sur le sol à l'extérieur de la tannière, ni une seconde de plus ni une seconde de moins ne s'était écoulée depuis tout ce temps. La lune était toujours haute dans le ciel et la nuit était toujours aussi sinistre et parsemée de flocons. Désormais, une seule personne pourraît vraiment me comprendre et peut-être même répondre à mes questions, lui qui, depuis un temps, avait un lien indestructible avec le Clan des Étoiles. Non, pas mon Chef, malgré ce que plusieurs pourraît croire; Le guérisseur de mon clan me donnerait sans doute de meilleurs conseils. Je lui vouai une confiance absolue et une admiration sans pareil pour son courage et sa détermination en tant que Médecin, au même niveau qu'Etoile Blanche, ma supérieure. Et il avait toujours eu une place spéciale dans mon esprit, étant mon ami d'enfance dont j'avais jalousé un moment le rang d'apprenti-guérisseur. Cependant, je n'allais pas aller le voir dès l'aube, il me fallait réfléchir seule avant de prendre ce genre de décision...

Pendant que j'élaborais très consciemment un plan, le décor qui m'entourait auparavant disparut à nouveau et je me retrouvais plus réalistement dans la tannière des Guerriers de mon Clan, blottis confortablement contre le flanc d'autres félins. Alors toute cette mise en scène n'avait été qu'un songe parmis tant d'autres ? J'avais du mal à y croire. Lorsqu'on avait l'impression de s'être déjà réveillé une fois, nous étions étrangement plus sensible aux détails, aux éléments du vrai monde. Dans un soupir (on aurait su dire si c'en était un las ou de soulagement), je me mis enfin debout. Les faibles rayons orangés jaunâtres d'un soleil à peine levé passaient à travers les quelques ouvertures de la tannière. Je m'étirai et sortis, respirant avec délectation l'air pur qui me submergeait. J'étais étonnament la première à sortir le bout de mon museau dehors, la clairière était vide... C'était sans doute ce rêve dans mon rêve qui m'avait tant troublé. Je sentis alors mon ventre gargouiller; une partie de chasse me changerait sans doute les idées.

Graffitti